Les enjeux et les défis de la dépollution des sols

Types de polluants retrouvés dans les sols

Parmi les principaux polluants présents dans les sols français, on retrouve :

• Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), issus de la combustion incomplète de matières organiques et des activités industrielles comme les raffineries de pétrole.
• Les métaux lourds tels que le plomb, le mercure, l’arsenic ou le cadmium, provenant notamment des rejets industriels et miniers.
• Les composés organo-chlorés comme les pesticides, largement utilisés dans l’agriculture intensive.

Ces substances toxiques peuvent persister dans les sols pendant de nombreuses années, voire des décennies, et se propager dans l’environnement via les eaux souterraines ou l’érosion des sols contaminés.

Principales causes de la pollution des sols

Plusieurs éléments contribuent à la dégradation et à la contamination des sols en France :

• L’étalement urbain et l’imperméabilisation des sols, qui réduisent leur capacité d’auto-épuration et favorisent le ruissellement des polluants vers les milieux aquatiques.
• Les rejets industriels non maîtrisés, issus d’un passé industriel lourd marqué par des activités fortement polluantes comme la pétrochimie, la sidérurgie ou l’extraction minière.
• L’utilisation massive d’intrants chimiques (engrais, pesticides) dans l’agriculture conventionnelle, qui contaminent durablement les sols et les nappes phréatiques.

Exemple de site pollué : la raffinerie de Frontignan

Le site de l’ancienne raffinerie ExxonMobil de Frontignan, dans l’Hérault, illustre parfaitement l’ampleur des défis liés à la pollution des sols. En activité de 1904 à 1986, cette installation a généré une pollution massive aux hydrocarbures et aux métaux lourds, qui s’est infiltrée en profondeur dans les sols et les eaux souterraines.

La dépollution de ces 11 hectares, entamée en 2022 et prévue jusqu’en 2026, représente un chantier colossal. Sa complexité réside dans la gestion des nuisances pour les riverains et la présence d’une nappe phréatique à seulement 2 mètres de profondeur, nécessitant un système de pompage dans les fouilles et l’acheminement des eaux vers une unité de traitement spécialisée.

La requalification de ce site hautement pollué illustre toute la complexité technique, environnementale et sanitaire des opérations de dépollution des sols, qui constituent un préalable indispensable à la reconversion des friches industrielles et à la protection des populations.

Techniques de dépollution méthodes et innovations

La dépollution par remplacement

Parmi les méthodes de dépollution, le remplacement de la couche de sol contaminée est une technique couramment utilisée. Après avoir évalué l’épaisseur de la couche polluée, celle-ci est retirée et remplacée par une terre saine. Bien que cette opération soit simple en apparence, le traitement de la terre contaminée pose des défis. Une fois déplacée, cette terre est classée comme déchet industriel et doit être traitée en conséquence. Les coûts de transport, de retraitement ou de stockage peuvent rapidement devenir prohibitifs avec cette méthode.

Le lavage du sol

Une autre méthode efficace est le lavage du sol à haute pression avec de l’eau, permettant de séparer les particules fines où se concentrent la majorité des polluants. Cette technique nécessite l’excavation de la terre, la récupération et le stockage des déchets sous forme de galettes. Une alternative consiste à injecter une solution liquide (eau ou acide) directement dans le sol sans l’extraire, capturant ainsi les polluants. La solution récupérée doit ensuite être décantée, filtrée et centrifugée pour séparer les éléments restants.

La dépollution physico-chimique

Certaines méthodes permettent de détruire les polluants in situ. Un liquide ou un gaz sous pression est injecté directement dans le terrain pour dissoudre les polluants connus. Les terres souillées sont ainsi retraitées sur place. Cette opération nécessite une installation industrielle temporaire pour extraire la terre à traiter, injecter le gaz, récupérer les lixiviats (liquides résiduels provenant de la percolation de l’eau à travers la terre) et les traiter, puis remettre en place la terre traitée.

L’extraction par aspiration, injection ou électrique

En fonction de la nature du sol et des polluants, plusieurs méthodes d’extraction sont disponibles. Pour un sol sableux contenant des polluants volatils, l’aspiration est utilisée pour mettre le terrain en dépression et absorber les vapeurs. Pour les terrains perméables à l’air pollué par des solvants volatils, la méthode par injection est appropriée. En revanche, pour les sols contaminés par des polluants ionisés comme les métaux lourds, l’extraction électrique est préférable. Des électrodes poreuses sont implantées dans le sol pour générer un courant électrique qui fait migrer les ions, permettant ensuite de pomper les polluants.

Le traitement par flottation

À mi-chemin entre la technique physico-chimique et le lavage de sol, le traitement par flottation consiste à extraire la terre, la tamiser, puis lui ajouter de l’eau et des agents tensioactifs. Les bulles d’air injectées transportent les phases contenant les polluants par affinité hydrophobe. Cette méthode peut être appliquée dans des colonnes ou des cellules de flottation.

Impact économique et social de la dépollution des sols

Les coûts élevés des opérations de dépollution sont généralement répartis entre les différents acteurs impliqués : État, collectivités locales et entreprises responsables des sites contaminés. Cependant, en plus de l’aspect financier, la dépollution des sols a des conséquences directes sur la santé publique et le développement local.

Des investissements conséquents pour la protection des sols et des eaux

En 2021, la France a consacré près de 2,4 milliards d’euros à la protection et à la dépollution des sols et des eaux, marquant une légère reprise après le recul observé en 2020 dû à la crise sanitaire. Les principaux postes de dépenses concernent la prévention de la pollution et la dépollution elle-même. Le secteur privé joue un rôle majeur dans ces investissements, représentant plus de la moitié du financement total.

Le cas de la raffinerie de Frontignan illustre bien l’ampleur des coûts associés à la dépollution. Sur ce site, 165 000 m3 de terres polluées seront traitées, dont plus de 80 000 m3 évacués vers des centres spécialisés. Le montant total des travaux est estimé à 50 millions d’euros, entièrement pris en charge par l’entreprise Esso, anciennement propriétaire du site.

Préserver la santé publique et sécuriser les zones habitées

En parallèle des aspects financiers, la dépollution des sols est une nécessité pour protéger la santé des populations. Les zones contaminées peuvent présenter des risques sanitaires graves, tels que :

• Des contaminations par le plomb, pouvant entraîner des troubles neurologiques, notamment chez les enfants
• Une exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), associés à un risque accru de cancers
• Une pollution des nappes phréatiques, rendant l’eau impropre à la consommation

En dépolluant les sols, il est possible de sécuriser les habitations proches et d’éviter la migration des polluants vers les ressources en eau. C’est un enjeu majeur de santé publique, en particulier dans les zones urbaines où la densité de population est élevée.

Transformer les friches en opportunités de développement local

La dépollution des sols offre une opportunité de revitalisation pour les anciennes friches industrielles, les transformant en espaces résidentiels, commerciaux ou récréatifs. Cette reconversion apporte de vrais avantages économiques aux régions concernées, stimulant la création d’emplois dans les secteurs de la construction et des services, tout en augmentant les revenus fiscaux des collectivités locales. De plus, ces projets de réaménagement contribuent à améliorer l’attractivité globale et la qualité de vie des quartiers, insufflant une nouvelle dynamique dans des zones auparavant délaissées et renforçant ainsi le tissu économique et social local.

Le projet de reconversion du site de La Confluence, à Lyon, en est un exemple frappant. Cette ancienne friche industrielle a été transformée en un quartier moderne et dynamique, donnant un cadre de vie agréable aux habitants et de nouvelles opportunités économiques.

Un accompagnement financier pour encourager la dépollution

Pour soutenir les acteurs engagés dans la dépollution des sols, des aides et des financements sont proposés par les pouvoirs publics. L’ADEME, en particulier, apporte un appui financier aux projets de dépollution via des appels à projets dédiés comme des aides à la reconversion des friches polluées, favorisant ainsi leur réaménagement et leur intégration dans de nouveaux projets urbains

En combinant des financements publics et privés, il est possible de surmonter les obstacles économiques liés à la dépollution des sols et d’encourager une gestion durable des ressources foncières.

Réglementations et certifications pour la dépollution des sols

En complément des obligations réglementaires et des enjeux économiques et sociaux, la dépollution des sols est également encadrée par un ensemble de certifications et de normes visant à garantir la qualité et la sécurité des interventions. Ces démarches volontaires permettent aux entreprises spécialisées de faire reconnaître leur expertise et leur engagement dans la protection de l’environnement.

La certification LNE Sites et Sols Pollués (SSP)

Créée en 2011 à l’initiative du ministère de l’Écologie, la certification LNE Sites et Sols Pollués (SSP) est délivrée par le Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE). Elle atteste de la capacité des prestataires à réaliser des prestations conformes aux exigences de la norme NF X31-620. Les entreprises certifiées s’engagent ainsi à :

• Mobiliser du personnel qualifié et équipé de matériels agréés
• Souscrire à des assurances couvrant la réalisation de leurs prestations
• Respecter les obligations réglementaires et normatives applicables

Cette certification constitue un gage de qualité et de fiabilité pour les maîtres d’ouvrage souhaitant faire appel à des entreprises spécialisées dans la dépollution des sols.

Les normes ISO applicables à la dépollution des sols

Plusieurs normes ISO s’appliquent également aux activités de dépollution des sols, notamment :

• ISO 14001 (management environnemental) : cette norme définit les exigences relatives à un système de management environnemental permettant à une organisation de développer et de mettre en œuvre une politique et des objectifs prenant en compte les exigences légales et les informations relatives aux aspects environnementaux significatifs.
• ISO 45001 (santé et sécurité au travail) : cette norme spécifie les exigences pour un système de management de la santé et de la sécurité au travail, et donne des lignes directrices pour permettre aux organisations d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs.
• ISO 17020 (inspection) : cette norme spécifie les exigences pour le fonctionnement de différents types d’organismes procédant à des inspections, afin de garantir l’impartialité et la cohérence de leurs activités.

La nécessité de dépolluer les sols en France

La dépollution des sols est un défi majeur en France, nécessitant des investissements importants et une collaboration entre l’État, les collectivités et les entreprises. Les techniques de dépollution évoluent constamment, avec des innovations comme la phytoremédiation et l’utilisation de bactéries. Du reste, la réglementation et les certifications professionnelles garantissent des prestations de qualité.

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